Le dépôt des biens et des valeurs à l’hôpital et en clinique

Écrit par Éléonore Fréneau le . Dans la rubrique Le fond

Partie intégrante de l’accueil d’un patient dans un établissement de santé, le dépôt de ses biens et de ses valeurs n’est pas une procédure toujours facile à appliquer et à expliquer.

 

Exposée dans la loi n°92-614 du 6 juillet 1992, aujourd’hui abrogée et retranscrite dans ses éléments essentiels aux articles L 1113-1 à L 1113-10 du code de la santé publique, cette procédure distingue très clairement les biens des valeurs et les régimes de responsabilité qui en découlent.

La loi et son décret n°93-550 du 27 mars 1993, aujourd’hui codifié aux articles R 1113-1 à R1113-9 du code de la santé publique, imposent la réalisation par le personnel paramédical, d’un inventaire des biens du patient et de ses valeurs. Se pose immédiatement la question : que sont les biens et que sont les valeurs ?
Les biens ou objets personnels du patient sont, d’une manière générale « ceux dont la nature justifie la détention pendant l’hospitalisation ». Plus concrètement, ce sont les vêtements, le nécessaire de toilette, etc. Il revient au Directeur de l’établissement d’en autoriser la détention par les hospitalisés.
L’inventaire réalisé dans ce domaine n’a aucune force obligatoire puisqu’en cas de vol, perte ou détérioration d’un de ses objets, l’établissement ne pourra être déclaré responsable qu’en cas de faute. Mais, les fautes ne sont pas rares : vestiaire complet d’un patient consigné dans un sac jeté aux ordures, perte du vestiaire lors d’un transfert dans une autre unité, etc.
Dans ce domaine, le patient doit être informé qu’il reste responsable des biens présents dans sa chambre, comme l’est un touriste dans une chambre d’hôtel.

Les biens ne sont pas les valeurs

La définition des valeurs est assurée principalement par deux textes : la circulaire interministérielle du 27 mai 1994 et l’instruction n°94-078 du 16 juin 1994 réalisée par le Trésor public. Il s’agit des objets de valeurs de petite dimension (alliance, stylo de valeur, bracelet, etc.), des moyens de paiement, de l’argent liquide, des bons du Trésor. La liste des valeurs acceptées par le Trésor Public est très restrictive et oblige le patient à garder sous sa responsabilité des objets qu’il aimerait parfois protéger dans le coffre du comptable public (portefeuille, sac à main, etc.) Toutes ces valeurs sont, en principe, inventoriées très précisément par le personnel, à l’admission du patient.coffre-fort
Le régime de responsabilité qui s’applique ici est l’un des seuls cas de responsabilité sans faute de l’hôpital. Mais, à l’inverse des biens, les fautes sont très rares.

Les établissements de santé disposant d’un comptable public sont malgré tout en proie à l’inadéquation entre l’absence d’horaires précis d’admission des patients et les heures d’ouverture des Trésoreries.
La mise en place de coffres transitoires est alors indispensable pour éviter des dépôts de valeurs « à la sauvage » dans les armoires fortes des toxiques ou dans des bureaux fermés à clé. Pour le dépôt, la gestion de ces coffres revient alors, en général, aux équipes soignantes. Pour le retrait, elle incombe au Directeur de garde. Très pratiques pour les hospitalisations de quelques heures, ces coffres évitent au patient de se déplacer à la Trésorerie. Leur relève est effectuée quotidiennement par le comptable public.
Le problème majeur de cette solution réside dans les retraits des valeurs, car les horaires de sortie des patients ne coïncident pas toujours avec les horaires d’ouverture des Trésoreries. Certaines personnes se retrouvent obligées de revenir le lendemain pour récupérer leurs biens. On imagine aisément les difficultés que cela peut occasionner pour les personnes âgées, isolées ou pour les patients vivant en dehors du département.

Le patient peut refuser l’inventaire

Le patient n’est, bien entendu, pas obligé de se soumettre à ces deux procédures même si elles sont, toutes les deux, réalisées dans son intérêt. Si le patient refuse les inventaires, il est conseillé de le signaler sur la fiche d’inventaire.

La loi de 1992 a prévu, sur cette thématique, une information orale et écrite à l’intention du patient. Pour l’information écrite, les établissements utilisent, en général, le livret d’accueil comme support. Pour conseiller aux patients de venir à l’hôpital avec le strict nécessaire, un rappel sur la feuille de convocation, dans l’hypothèse d’une pré-admission, doit être encouragé.
Concernant l’information orale, c’est plus compliqué. En effet, le constat est net : seuls les services qui ont été confrontés à des litiges avec des patients en ce qui concerne la perte ou la détérioration d’objets prennent la peine d’insister à nouveau sur ce point d’accueil. Sans vouloir généraliser, il semble que la procédure et surtout le régime de responsabilité inhérent aux dépôts n’ont pas toujours été compris par les soignants et, par conséquent, pas ou très mal expliqués aux patients.

Responsabilité : une information tant écrite qu’orale

Avec une forte sinistralité dans les établissements de santé, le dépôt des biens et des valeurs est un thème très important qui mériterait une évaluation plus approfondie.

Régies par des textes datant de plus de dix ans, ces deux procédures mériteraient d’être actualisées par le législateur. Elles ne tiennent, par exemple, pas compte de l’avancée des technologies. Comment considérer un téléphone portable, un ordinateur portable, un lecteur MP3 ? À l’heure du haut débit, ils sont pourtant monnaie courante dans les établissements de santé. Alors que faire ? Demander au directeur de l’établissement de ne pas les accepter, même si on sait que certains patients peuvent demeurer plusieurs mois hospitalisés et déplacer alors leur bureau dans leur chambre d’hôpital ?

Si certains établissements ont généralisé la présence de placards fermés à clé dans les chambres des patients, ce n’est pas le cas de tous. Pour les objets personnels du patient, ces placards fermés sont sans doute la solution de sécurité. Une réserve doit malgré tout être émise : la question du transfert de garde de la clé reste entière au moment où le patient quitte sa chambre pour une opération ou des examens médicaux. Certains services ont choisi de désigner le cadre supérieur de santé comme responsable de ces clés en mettant en place un coffre pour ces clés dans le service.
La comparaison avec le touriste dans sa chambre d’hôtel prend ici toute sa valeur. Nous parlons bien d’hôtellerie hospitalière.

Le patient n’aime pas être responsable

La loi du 6 juillet 1992 a imposé au patient la responsabilité de ses biens durant tout le temps de son hospitalisation. Mais il ne faut pas croire que les patients des hôpitaux publics de santé l’entendent toujours de cette oreille. Si les soignants sont favorables à cette responsabilisation des patients vis-à-vis de leurs biens, les courriers de réclamation de ces derniers en ce domaine montrent que certains veulent que la surveillance de leurs objets dans le service revienne aux équipes soignantes.
Il y a donc une mauvaise interprétation de l’inventaire des biens réalisé à l’admission. On peut, de plus, se poser la question de l’intérêt de maintenir un tel inventaire dans la mesure où il n’a aucune force obligatoire et brouille les attentes des patients plus qu’il ne les clarifie.

PiècesEn effet, par manque de disponibilité, les soignants ne prennent pas toujours le temps d’expliquer le régime de responsabilité qui découle de la conservation d’objets personnels dans la chambre et du risque de vol ou de détérioration. Cette absence d’information claire sur le sujet amène son lot de déceptions et de mécontentements du côté des patients. Ils sont outrés que l’assureur de l’établissement de santé refuse d’indemniser le vol de certains objets ne figurant en général pas sur l’inventaire d’entrée parce qu’aucune faute n’a pu être constatée.

Pour beaucoup d’entre eux, et notamment pour les personnes âgées, l’hôpital est garant de la sécurité de leurs biens. Mais si l’hôpital est effectivement garant de la sécurité de leurs objets de valeur avec l’application rarissime d’un régime de responsabilité sans faute, il n’est pas, à défaut de faute prouvée, responsable de la sécurité des objets personnels du patient.
La mise en relief de l’obligation générale de surveillance liée aux conditions d’accueil des usagers ne retient que rarement l’attention des assureurs dans les cas de vol, perte ou détérioration d’objets personnels.

L’article L 1113-1 du code de la santé publique dispose : « Les établissements de santé, ainsi que les établissements sociaux ou médico-sociaux hébergeant des personnes âgées ou des adultes handicapés, sont, qu’ils soient publics ou privés, responsables de plein droit du vol, de la perte ou de la détérioration des objets déposés entre les mains des préposés commis à cet effet ou d’un comptable public, par les personnes qui y sont admises ou hébergées. » On comprend que la lecture de cet article n’est pas aussi simple qu’il y paraît et que la distinction entre le régime des biens et des valeurs n’est pas évidente.

Les soignants doivent sensibiliser les patients

Il semble que les établissements de santé aient tout intérêt à insister sur ce point d’accueil auprès des soignants afin que ces derniers aient les moyens d’informer clairement le patient sur les différentes responsabilités qui découlent de ces dépôts.

En pratique, l’équipement de toutes les chambres d’hospitalisation de placards fermés à clé, accompagné d’une information adaptée, peut être considéré comme une bonne option.
De même, la mise en place de coffres transitoires relevables deux fois par semaine, par exemple comme palliatif aux horaires d’ouverture des Trésoreries semble être une solution de compromis intéressante. Encore faut-il que des moyens financiers soient débloqués pour la mettre en place.

Le contentieux du vol, de la perte ou de la détérioration des objets personnels du patient embolise certains services juridiques alors qu’il pourrait, moyennant une volonté politique et une meilleure communication sur ce point, être réduit à peau de chagrin.

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