Encore un rapport sur la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1) en France

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Une campagne pas vraiment transparenteDécidément, la période estivale est propice aux rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat destinés à faire le point sur la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1) et de la campagne de vaccination qui s’en est suivie… ou qui l’a précédée diront certains. Après la publication le 8 juillet 2010 du rapport intitulé « La gestion des pandémies : H1N1, et si c’était à refaire ? » (compte rendu de l’audition publique du 14 juin 2010), reprenant les travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques composé de députés et de sénateurs, deux autres rapports ont été publiés.

Le premier, le 13 juillet 2010, est le fruit du travail d’une commission d’enquête composée de députés, rapport sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1). Sous la présidence d’un député du Nouveau centre, Jean-Christophe Lagarde, et ayant pour rapporteur Jean-Pierre Door, député de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), les conclusions de ce document ont donné l’absolution aux autorités de santé et ont encensé la gestion administrative de cette crise sanitaire. Résultat surprenant ? Pas vraiment si l’on en croit les propos de Bernard Debré, pourtant lui aussi député de l’UMP, membre de ladite commission d’enquête et du comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, expliquant que ce rapport « n’avait qu’un objet : réhabiliter la politique du gouvernement ! ». Selon lui, « Ce travail parlementaire n’est pas sérieux. Il est lénifiant et évite soigneusement de poser les questions dérangeantes. » Il le considère même comme « une mascarade ». On peut penser qu’un tel témoignage aurait mérité un peu plus de publicité médiatique, mais les journalistes avaient déjà fort à faire avec la pluie ayant gâché le défilé du 14 juillet où des hôtes de marque étaient invités et, surtout, les nombreuses révélations de l’“affaire” Woerth-Bettencourt. 

Le second rapport est, cette fois, l’oeuvre d’une commission d’enquête composée de sénateurs et a été publié le 5 août 2010. Il y est question du « rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe A(H1N1) ». Présidé par un sénateur communiste de Loire-Atlantique, François Autain, et bien qu’ayant un rapporteur issu de l’UMP, Alain Milon, les travaux de cette commission sont plus critiques à l’égard du gouvernement. Pour les élus, les contrats signés entre les pouvoirs publics et les laboratoires ayant fourni les vaccins « se caractérisent par leur remarquable déséquilibre et par la légalité douteuse de certaines de leurs clauses ». Les sénateurs remettent en cause le fait que l’État ait accepté le transfert de responsabilité relatif au fait des produits défectueux, alors même que la Pologne le refusait. Ils s’étonnent aussi de l’absence d’une clause de révision dans ces mêmes contrats. Tout comme dans le rapport de la commission d’enquête européenne, les sénateurs s’interrogent sur les agissements de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et sur les conflits d’intérêts en son sein.

Face à de telles interrogations et aux questions que posent les propos de Bernard Debré, on comprend facilement que le gouvernement et une partie des parlementaires incriminent Internet et les professionnels de santé dans l’échec de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1). Il est indispensable de trouver des boucs émissaires pour pallier le manque de transparence qui semble caractériser la gestion de cette crise sanitaire. Vraisemblablement, pour des raisons politiques, les vraies leçons de cette histoire ne seront pas tirées. Voilà qui n’est pas sans rappeler la gestion des crises sanitaires précédentes (amiante, sang contaminé, canicule). Décidément, en France, politique et intérêts économiques continuent à s’opposer à la santé publique quelle que soit la saison…

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Commentaires (1)

  • Sénat

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    Le rapport publié par la commission d’enquête du Sénat sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion de la grippe H1N1 révèle de nombreuses anomalies dans les contrats passés avec les laboratoires.

    Retrouvez les entretiens du rapporteur et du président de la commission d’enquête, Alain Milon (UMP) et François Autain (CRC-SPG), qui reviennent sur les principales conclusions du rapport.

    – L’opacité de l’OMS et l’influence du secteur privé dans son financement : http://dai.ly/ayvv9q
    – La première commission d’enquête crée à l’initiative d’un groupe d’opposition : http://dai.ly/aH5VWz
    – L’expertise sanitaire française fonctionne en « vase clos » selon François Autain : http://dai.ly/9VGeG3
    – Des anomalies révélées dans les contrats passés entre le gouvernement et les laboratoires : http://dai.ly/9trm1Q
    – Liens d’intérêts et expertise sanitaire : besoin de clarification ? http://dai.ly/cr9p2x

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