Comment dégouter les médecins de la FMC ?

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Jeu de quillesAprès le fiasco du dossier médical personnel (DMP), où chacun a voulu imposer son point de vue aux principaux utilisateurs qu’en seront les médecins, la leçon ne semble pas avoir porté ses fruits et l’histoire va se répéter pour la formation médicale continue (FMC) et l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP).

Cet article inaugure notre nouvelle catégorie d’articles sur Droit-medical.com, intitulée Humeur.

Le scénario, avant d’être réécrit, et les premières prises de la super production FMC ont permis de planter un décor que l’ensemble de la profession médicale paraissait avoir bien accepté. Un conseil national de la formation médicale continue, prévu par la loi, distribue des accréditations à des organismes, selon des critères stricts. Les organisations accréditées valident des formations qui permettent aux médecins d’acquérir des points (appelés crédits). D’autres organismes, accrédités eux aussi, contrôlent les pratiques professionnelles et permettent aux médecins de voir progresser leur solde de points. Il ne faut pas croire que les thèmes de la FMC étaient choisis au hasard, ils répondaient à un désir d’économies, tout autant qu’à une volonté de santé publique. De très nombreuses associations de médecins se sont investies dans ce système et une véritable dynamique était ressentie par l’ensemble de la base médicale. Seul bémol, le manque d’indépendance vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique de très nombreuses manifestations de FMC, faute d’un véritable contrôle, qui cette fois aurait mérité d’être administratif. À l’appui de ces vérifications du respect des règles de la FMC, encore eût-il fallu qu’il existât des sanctions en cas d’abus. Le mépris d’un grand nombre de leaders d’opinion pour les déclarations de conflits d’intérêts, la perte de la notion d’éthique et les enjeux financiers liés à l’organisation des grands congrès ou des réunions locales ont réussi à dévoyer en partie des mesures plébiscitées par la base.

Tout commence à fonctionner, il est donc urgent de tout modifier…

Il était pourtant évident que ce système qui commençait à bien fonctionner et à remplir son rôle de formation médicale continue ne pouvait perdurer. Non pas en raison des manipulations de l’industrie pharmaceutique, auxquelles il aurait pu être mis fin par des contrôles et des sanctions, mais tout simplement parce qu’il est aux mains des médecins et qu’il fonctionne en partie avec des fonds publics. Il n’est plus question depuis longtemps de faire confiance aux praticiens, surtout dans les domaines qui touchent à la santé. D’autant que dans l’esprit de ceux qui ont voté ces textes ou qui les ont portés, ce n’est pas la formation médicale qui importe, mais la formation médico-économique qui est visée. C’est la standardisation des soins dans un but de pure rentabilité qui doit être privilégiée. Le cheminement est identique à celui qui a prévalu pour le DMP. Un outil plébiscité par les médecins persuadés qu’il peut améliorer la qualité des soins est récupéré et transformé pour en faire un moyen de surveillance et d’endoctrinement au service des économies de santé. D’ailleurs, les acteurs sont identiques : les politiques, l’administration, l’assurance-maladie (autre forme d’administration, mais moins assujettie à l’actuel pouvoir) jouent les premiers rôles ; les associations de patients ont un second rôle ; le conseil national de l’ordre des médecins donne une réplique, qui sera peut-être coupée au montage ; enfin, les médecins sont à l’arrière-plan comme tout bon figurant. D’autres figurants vont faire leur apparition puisque la FMC va maintenant s’élargir aux professions médicales, aux pharmaciens, ainsi qu’aux auxiliaires médicaux et aux préparateurs en pharmacie.

La formation médicale continue va-t-elle faire les frais d’une gestion économique de la santé et d’une démagogie électoraliste ? C’est l’évolution législative qui semble avoir été choisie. L’article 19 du projet de loi réformant l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, intitulé « Formation continue des professions médicales, pharmaciens, auxiliaires de santé et préparateurs en pharmacie », dans la version qui sera débattue à l’Assemblée, stipule que « Les dispositifs actuels de formation continue des professions médicales et pharmaceutiques et d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) sont le résultat de plusieurs textes législatifs successifs. Le dispositif d’ensemble a besoin d’être modifié.
Le dispositif de formation professionnelle continue (FPC) s’intègre dans l’obligation qu’ont tous les médecins de formation médicale continue (FMC) et d’EPP et nécessite aussi une mise en cohérence avec ces dispositifs.
Le présent article vise d’une part, dans le souci de mieux garantir la qualité des prises en charge, à recentrer l’obligation de FMC sur l’évaluation des pratiques et d’autre part, à simplifier et rationaliser les circuits de gestion administrative et le financement de la FMC, afin de garantir notamment la bonne mise en œuvre de son volet évaluatif.
En conséquence, les dispositions proposées visent à conforter l’obligation de formation continue, dorénavant recentrée sur la formation à visée évaluative. Il est précisé que celle-ci vise à engager les praticiens dans une démarche continue d’analyse de leurs pratiques au regard des référentiels validés de bonnes pratiques. Un conseil national unique par profession sera chargé de conseiller le ministre, notamment, sur les modalités d’organisation du dispositif, sur les priorités de formation continue, sur les critères d’enregistrement des organismes de formation. Ces conseils associeront outre des représentants des professionnels concernés, notamment la Haute Autorité de santé et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie. La validation de l’obligation sera confiée aux autorités ordinales.
Par ailleurs, les financements de l’État et de l’assurance maladie seront regroupés dans un fonds unique afin de garantir une allocation des ressources publiques conforme aux priorités établies par les conseils nationaux.
En ce qui concerne les auxiliaires de santé et préparateurs en pharmacie, les dispositions visent à reprendre, en les rendant conformes aux dispositifs propres à chaque secteur d’activité, les modalités de la formation continue de ces professions ».

pour mieux contrôler, quitte à aller vers l’inconnu

Quelles seront les mesures concrètes prises pour la gestion quotidienne de la FMC et le remplacement du système actuel ? Bien peu le savent. La lettre de Galilée no 50 évoque la disparition du système des points-crédits pour les médecins et l’élaboration d’un projet confié à deux membres de l’Inspection générale des affaires sociales. L’administration reprend ses droits.

Il est surprenant de voir à quel point les différents gouvernements sont avides d’imposer des mesures pour réduire le déficit de la Sécurité sociale alors qu’ils ne réussissent pas à contrôler le déficit de l’État lui-même. Alors que les fonds manquent depuis de nombreuses années pour combler le déficit d’un système social que l’on choisit de maintenir à flots, ils sont apparus de façon spontanée lorsqu’il s’est agi de combler le déficit du secteur bancaire… Si le système économique, le capitalisme tout particulièrement, a très vite été montré du doigt en raison du déficit qu’il a engendré ces derniers mois, personne n’a remis en question le système de protection sociale depuis des années alors qu’il était déficitaire. Il y a des sujets sur lesquels il est plus facile que d’autres d’être une girouette. Dans tous les cas, il convient d’être amnésique pour oublier qui a laissé de telles situations survenir et qui n’a pas eu le courage politique de prendre des mesures salvatrices avant que l’irréparable ne se produise. Gouverner, n’est-ce pas voir plus loin que les prochaines élections ?

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