Vaccination contre l’hépatite B et sclérose en plaques : jurisprudences et doutes scientifiques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Pourquoi les dernières jurisprudences en matière de sclérose en plaques (SEP) et de vaccination obligatoire contre l’hépatite B vont-elles à l’encontre des données scientifiques actuelles ?

SeringueCet article n’a pas pour but de prendre parti pour les défenseurs du vaccin ou pour ses détracteurs. Il n’est pas question non plus d’oublier la détresse des patients atteints par cette maladie et qui estiment qu’elle est due à cette injection ou de s’interroger sur la mise en examen, en début d’année, de deux fabricants de vaccins. Il a juste pour objet de confronter la jurisprudence aux données actuelles de la science.

Que dire de la relation entre le vaccin et la SEP ?

Si l’on en croit l’Académie de médecine et son communiqué du 12 février 2008, intitulé « Sur la vaccination de l’hépatite B en France« , un lien de causalité n’a pas pu être mis en évidence. « 8 études nationales et internationales ont démontré l’absence de relation statistiquement significative entre la SEP et la vaccination contre l’hépatite B. Une étude publiée en 2004 par Hernan 1 a soulevé des questions, mais sa méthodologie a été réfutée par les experts de l’OMS 2,3. Deux réunions de consensus nationales en 2003 et 2004 ont confirmé les recommandations de vaccination prioritaire des nourrissons et de rattrapage des enfants et adolescents non vaccinés 4,5. Tout récemment ont été publiées deux études des services de neuro-pédiatrie français (KIDSEP) chez l’enfant et l’adolescent (2007) : la première démontre l’absence d’influence du vaccin de l’hépatite B sur le risque de passage à la SEP après le premier épisode de maladie démyélinisante ; la deuxième montre qu’il n’y a pas d’augmentation du risque de première poussée de SEP après une vaccination contre l’hépatite B dans les 3 années précédentes 6,7 « .

Toutes ces études ne semblent pas aller dans le sens de l’indemnisation des patients. Bien entendu, il ne faut pas en rester là et il convient de prendre aussi en compte le point de vue de ceux qui estiment que le travail d’Hernan ne doit pas être réfuté et que, selon ses résultats, le risque de faire une SEP dans les trois années qui suivent la vaccination est 3,1 fois plus grand qu’en l’absence de vaccination. Le vaccin pourrait alors être considéré comme un produit défectueux au sens juridique du terme.

Dans un cas, comme dans l’autre, il s’agit d’un débat d’experts qui semble très difficile à appréhender 8. Une seule étude a donc fait renaître le doute. Il en faut habituellement plus pour emporter l’avis des juges, mais, dans ce cas, les certitudes des patients et des médias viennent amplifier ce doute.  Normalement, le doute doit bénéficier à l’accusé, sauf dans les cas d’indemnisations médicales où c’est au patient que le doute profite. Il faut dire que les moyens dont dispose le patient face à ceux dont disposent les assureurs des praticiens, des établissements de soins ou de l’État ne sont pas du même ordre. L’affaire du sang contaminé n’est pas étrangère à ces nouvelles habitudes, y compris dans des situations totalement différentes. Le lien de causalité entre les transfusions sanguines et la transmission du virus de l’immunodéficience humaine n’a pas vraiment été remis en cause. Il a été ignoré malgré les études qui l’identifiaient.
L’objectivité du monde médicale, dans une telle situation, est mise à mal, car la théorie du complot, de praticiens vendus à l’industrie ou aux ordres des instances gouvernementales refait instantanément surface. Cela n’a rien d’étonnant après les scandales sanitaires de la fin du XXe siècle (VIH, amiante, etc.) Mais, c’est oublier que ces scandales n’ont pu être dénoncés que grâce au travail de nombreux médecins à l’origine de nombreuses études documentées et indiscutables. Que tous les médecins aient les mêmes intérêts concernant le vaccin contre l’hépatite B serait surprenant.

Les plateaux de la balance judiciaire ne sont plus à l’équilibre

Il ne sera vraisemblablement jamais possible de dire qu’il est certain qu’il n’existe aucun lien de causalité entre le vaccin et la SEP. Les statisticiens continueront à affirmer qu’ils ne réussissent pas à mettre ce lien en évidence, ce qui est une réponse en soi, mais qui ne semble pas convenir aux juges. Il faut donc considérer que le doute va persister et que cette interrogation va continuer à bénéficier au patient. Les preuves scientifiques laissent la place aux convictions des magistrats. Cela peut expliquer l’évolution actuelle des jurisprudences. L’attitude des juges peut faire penser à une espèce de principe de précaution tendant à condamner par excès. La justice ne peut se contenter de dire qu’elle ne sait pas et préfère s’engager aux côtés des patients, de peur de ne pas condamner le plus fort financièrement au profit du plus faible, malade qui plus est.

Tous les juristes qui ont analysé les trois décisions 9 de la Cour de cassation du 22 mai 2008 parlent d’un revirement de la jurisprudence qui va plus loin que ce qui existait jusque-là. Le lien de causalité n’a plus à être établi, les présomptions suffisent. Pour la Cour, « si l’action en responsabilité du fait d’un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes ».

Le Conseil d’État a lui aussi considéré, le 4 juillet 2008 10, que l’État devait indemniser, sur le principe de l’article L 3111-9 du code de la santé publique, l’apparition d’une sclérose en plaques apparue après des injections de vaccin contre l’hépatite B, imposée à l’agent du service public qui n’avait pas de problème de santé auparavant. Cette institution va plus loin, puisqu’elle ne s’arrête pas à la SEP, mais étend l’indemnisation à la sclérose latérale amyotrophique 11 ou à une fibromyalgie 12.

Mais la justice ne va pas au bout de cette logique. La décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux 13, le 1er juillet 2008, considère qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 3111-4 du code de la santé publique : « Une personne qui, dans un établissement ou un organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision rejetant la demande d’indemnisation de la requérante : « Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d’un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l’État  » ; il résulte de ces dispositions qu’il incombe au demandeur souhaitant obtenir réparation d’un dommage sur leur fondement d’apporter la preuve de l’imputabilité directe de son préjudice à la vaccination obligatoire. La cour retient un délai supérieur à deux ans entre la vaccination et l’apparition des premiers signes de sclérose en plaques pour rejeter la demande de la patiente d’être indemnisée. Pourquoi ce délai de deux ans alors que l’étude d’Hernan considère que le risque est augmenté pendant trois ans ?

 

À quand un nouvel équilibre dépassionné et empreint de raison ?

 

 

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1 – Hernán M.A, Jick S.S, M.J. Olek , Jick H. Recombinant hepatitis B vaccine and the risk of multiple sclerosis . A prospective study. Neurology 2004; 63: 838–42.

2 – Naismith R.T, Cross A.H. Does the hepatitis B vaccine cause multiple sclerosis? Neurology 2004;63:772–773.

3 – Comité consultatif mondial de l’organisation mondiale de la santé sur la sécurité des vaccins: réponse à l’article de Hernan et al. intitulé « vaccin hépatite B recombinant et risque de sclérose en plaques » et publié le 14 septembre 2004 dans la revue Neurology. OMS. Hépatite B. GACVS. www.who.int

4 – Réunion de consensus : vaccination contre le virus de l’Hépatite B. 11 et 12 septembre 2003. Paris. www.inserm.fr

5 – AFSSAPS, ANAES, INSERM. Audition publique. Vaccination contre le virus de l’Hépatite B et sclérose en plaques. Etat des lieux. Paris 9 novembre 2004. Rapport. www.inserm.fr

6 – Mikaeloff Y, Caridade G, Assi S, Tardieu M., Suissa S, on behalf of the KIDSEP study group of the French Neuropaediatric Society.  Hepatitis B vaccine and risk of relapse after a firstchildhood episode of CNS inflammatory demyelination . Brain 2007 ;130 :1105-10.

7 – Mikaeloff Y, Caridade G, Rossier M, Suissa S, Tardieu M. Hepatitis B Vaccination and the Risk of Childhood-Onset Multiple Sclerosis. Arch Pediatr Adolesc Med. 2007;161:1176-82.

8 – Guennebaud. Vaccin hépatite B et scléroses en plaques : peut-on y voir plus clair ? sur le site Agoravox.fr

9 – Première chambre civile, no de pourvoi 05-20317, 06-10967, 06-14962.

10 – No 298832.

11 – No 289763, le 11 juillet 2008.

12 – No 305685, le 11 juillet 2008.

13 – No 07BX00660.

 

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Commentaires (6)

  • AtouSante

    |

    La vaccination contre la grippe saisonnière des professionnels de santé n’est pas une vaccination obligatoire mais seulement une vaccination recommandée.
    Cette précision figure en page 135 du calendrier vaccinal 2008.

    Mais il est vrai qu’une modification de l’article L3111-4 du code de la santé publique a imposé la vaccination contre la grippe des professionnels qui exercent en établissement de soins et de prévention, et les étudiants des professions de santé.

    Le 12 juin 2006, le Directeur Général de la Santé s’est prononcé fermement sur le caractère non applicable de l’obligation d’immunisation contre la grippe des professionnels de santé, et a précisé que cette obligation vaccinale devait être abordée de façon différente en période de grippe saisonnière interpandémique et en période de pandémie grippale confirmée.

    En période de grippe saisonnière interpandémique:
    Les employeurs dans les établissements de soins doivent proposer activement la vaccination contre la grippe, mais ne doivent pas l’imposer.

    En période de pandémie grippale, à virus mutant confirmé par l’OMS, ( phase 6 du plan de lutte contre une pandémie grippale de l’OMS), l’obligation de vaccination contre la grippe pandémique pour les professionnels visés à l’Article L3111-4 du code de la santé publique serait activée ( dès qu’un vaccin adapté au virus pandémique serait disponible).
    Cette obligation vaccinale serait alors généralisée à tous les professionnels de santé en fonction

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  • Firenze

    |

    Il serait intéressant de conduire une étude qui compare les effets indésirables du vaccin français d’une part et du vaccin américain d’autre part. A ce jour, aucune étude de ce type n’a été réalisée…

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  • Le Bars

    |

    Je découvre la polémique sur le vaccin de l’hépathite B à travers un cas personnel et parmi tout ce que j’ai pu lire, cet article me paraît le plus sensé et le plus équilibré de ce qui semble être un débat avant tout passionnel. On ne parle pas avec autant de « virulence » du vaccin de la grippe. Au nom du principe de précaution il faudrait sans doute lever le pied sur cette vaccination obligatoire. Pour info une question écrite posée par le député Michel Lezeau (UMP)

    *13ème législature *

    Question N° : * 23938 * de * M. Lezeau Michel *( Union pour un
    Mouvement Populaire – Indre-et-Loire ) *QE *
    Ministère interrogé : Santé, jeunesse, sports et vie associative
    Ministère attributaire : Santé, jeunesse, sports et vie associative

    Question publiée au JO le : *27/05/2008* page : *4352*

    Rubrique : santé
    Tête d’analyse : vaccinations
    Analyse : hépatite B. pertinence
    *_Texte de la QUESTION : _* M. Michel Lezeau attire l’attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur l’obligation du vaccin contre l’hépatite B. Plusieurs études médicales montrent que rien ne prouverait que ce vaccin protège réellement ceux qui le reçoivent. Il pourrait par ailleurs provoquer des complications post-vaccinales pour une protection somme toute limitée dans le temps. De plus, ce vaccin est riche en aluminium, puissant neurotoxique, à l’origine de certaines maladies graves. De plus, il est admis que les rappels successifs, forçant le corps à produire des anti-corps, provoquent des dysfonctionnements immunitaires. Aussi, il lui demande de bien vouloir l’éclairer sur les risques médicaux réels de ce vaccin et, si les dangers mentionnés étaient avérés, de lui indiquer ce qui pourrait être entrepris pour y remédier.

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  • Bernard Guennebaud

    |

    Tout le monde dit que la fameuse étude d’Hernan est la SEULE étude qui ait été significative pour montrer que le vaccin hépatite B pourrait déclencher des SEP. Mais faites l’expérience suivante : allez consulter sur le site de l’Afssaps [1] le rapport sur la réunion de pharmacovigilance du 21 septembre 2004 [2], quatre pages en ligne sur le site de l’Afssaps. Page 3 il est mentionné 10 études épidémiologiques réalisées à ce jour mais si vous allez à la page suivante vous en verrez 11 récapitulées dans un tableau. Ce n’est pas anodin, c’est l’étude menée en 1998 par Fourrier et Castogliola sur les mêmes données et qui sont une seule et même étude qui a été dédoublée, créant très arbitrairement une étude non significative supplémentaire !

    Mais il y a plus grave encore : page 3 toujours, on lit que les 5 études réalisées pour l’Afssaps sont toutes non significatives alors que dans le tableau où ces 5 études sont cochées il y en a une qui est mentionnée significative, celle de Costagliola !

    Allez maintenant sur le compte-rendu de la réunion de haut niveau de février 2000 [3], page 4 en gras : il est dit qu’après évaluation par Costagliola de la sous-notification des données retenues par Fourrier, on obtient un écart significatif entre les cas attendus et les cas réels. Mais dès le 14/11/2002 le communiqué de l’Afssaps [4] écrit qu’AUCUNE étude menée par l’Afssaps n’était significative alors que c’est elle qui avait commandé l’étude de Fourrier-Costagliola sur ses propres données…

    On assiste alors à ce phénomène assez extraordinaire qu’une étude reconnue significative a été dédoublée pour générer 2 études qui, par une étonnante dégénérescence, donneront 2 études déclarées non significatives !!!

    Allez aussi consulter la thèse en pharmacie signalée dans un autre message ci-dessus et où l’impétrante a vu la même chose : dans son diaporama de soutenance elle mentionne plusieurs études significatives. Fourrier-Costagliola est beaucoup plus que simplement significative : l’écart entre l’estimation des cas attendus et observés est énorme (au minimum 8 écarts-type selon les données communiquées).

    J’ai mis en ligne un étude détaillée de cette affaire sur mon blog http://questionvaccins.canalblog.com Dans plusieurs articles.

    [1] http://www.afssaps.fr/Dossiers-thematiques/Vaccins/Vaccination-Hepatite-B Récapitule les principaux documents sur la vaccination hépatite B

    [2] Communiqué 21 septembre 2004

    [3] Compte-rendu de février 2000

    [4] Communiqué du 14/11/2002

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  • Bernard Guennebaud

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    On pensait que l’affaire du vaccin Engerix B pouvait seulement remettre en cause un vaccin produit par un laboratoire, préservant l’autre vaccin disponible, celui de Sanofi. En réalité l’affaire est d’une toute autre dimension car c’est le calendrier vaccinal lui-même qui serait remis en cause par l’étude du professeur Tardieu en raison d’une interaction entre la vaccination hépatite B et les autres vaccinations.

    Quand l’alerte a sonné on nous disait qu’un sous-groupe d’un groupe d’enfants suivis depuis plusieurs années aurait eu significativement plus de scléroses en plaques (SEP) que d’autres et que la particularité de ce sous-groupe était d’avoir été vacciné avec l’Engerix B produit par GSK alors qu’il n’y avait pas de problème avec ceux vaccinés avec le vaccin concurrent. Un simple problème de vaccin pouvait-on penser. Mais à y regarder de plus près, ce qui caractérise tout particulièrement ce sous-groupe est d’avoir scrupuleusement respecté le calendrier vaccinal ! Ainsi, le résumé des débats de la Commission nationale de pharmacovigilance mentionne [1] :

    « une augmentation du risque dans le sous-groupe observant aux recommandations vaccinales… pourrait suggérer une interaction entre la vaccination VHB et les autres vaccinations»
    Voilà qui change soudain complètement l’éclairage de cette affaire. le fait est qu’une étude réalisée selon une méthodologie jugée bonne et devant être publiée en octobre 2008 dans la revue Neurology avec le soutien du Ministère de la santé, de l’Afssaps et de l’ANRS a mis en évidence d’une façon statistiquement très significative un sur-risque moyen de SEP évalué à 2,77 pour le sous-groupe d’enfants qui avait été à la fois vacciné avec tous les vaccins recommandés par le calendrier vaccinal et par le vaccin Engerix B. Ces enfants avaient certainement eu le BCG car il était encore obligatoire à l’époque du suivi, entre 1994 et 2003 ainsi que le tétracoq et le ROR. De plus, les premières annonces parlaient d’un risque de 1,74 mais c’était pour l’ensemble de toutes les affections démyélinisantes centrales. Pour la seule SEP c’est 2,77, valeur qu’il faut aller chercher dans le résumé des débats de la Commission…

    [1] http://www.afssaps.fr/content/download/15469/180558/version/2/file/vaccin-hepatiteb-com-pv.pdf

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